Depuis que je m’intéresse aux pédagogies alternatives deux notions essentielles semblent tirailler les tenants des différents établissements.
D’un côté la liberté d’autrui de faire ou ne pas faire ou l’autonomie de l’enfant afin de s’émanciper au sein de la société dans laquelle il vivra.

Avant de commencer, il me semble important de définir précisément les termes de liberté et d’autonomie car tellement utilisés dans la vie de tous les jours.

Définitions

Liberté :

À propos de l'homme (de ce qui le concerne) en tant qu’individu particulier ou en tant que membre d’une société politique] Condition de celui, de ce qui n’est pas soumis à la puissance contraignante d’autrui.1

État d’une personne qui n’est pas soumise à la servitude.

Possibilité d’agir de penser de s’exprimer selon ses propres choix.

_Philosophie _: état de l’homme qui se gouverne selon sa raison, en l’absence de tout déterminisme.2

Autonomie :

Faculté de se déterminer par soi-même, de choisir, d'agir librement.

_Pédagogique _: Organisation scolaire telle que les écoliers participent, dans une mesure plus ou moins grande, au choix des matières enseignées et à la discipline générale de l'école, de manière à apprendre à se gouverner eux-mêmes`` (Piéron 1963). _L'autonomie des écoliers.__3

_Possibilité de décider, pour un organisme ou un individu, sans en référer à un pouvoir central, à une autorité ou à une hiérarchie.__4

De quoi parle-t-on ?

Aujourd’hui les mots de liberté et d’autonomie semblent des mots dénués de leur sens premier.

Il suffit de voir les agissements du ministre de l’Éducation Nationale actuel, J.M. Blanquer, qui clame à tout-va que la liberté pédagogique est son cheval de bataille et qui promeut le petit livre orange[5 sur la lecture pour le bien des enfants.

Vous parlez beaucoup de liberté et d’autonomie, mais sur ces sujets, vous semblez plus autoritaire que sur les rythmes scolaires…

_Sur un sujet comme l’éducation, il faut distinguer ce qui relève du service public, de la dimension nationale et de la liberté de chaque acteur. Une sorte de principe de subsidiarité. Sur les deux sujets du français et des mathématiques dans les toutes premières années de l’école primaire, on doit être un peu directif, pour que les enfants ne passent pas à côté de ce qui est bon pour eux.6

L’autonomie est souvent lancée comme une solution aux problèmes des institutions. Elles ont un problème, rendons les autonomes.7

Pour ne pas confondre ces termes, il me semble très important de savoir de quoi je parle.


[être au clair de ce dont je veux parler]

Je vais parler du sens philosophique de liberté, de l’état de l’homme qui se gouverne selon sa raison, alors que pour l’autonomie il me semble que la notion————————————————————-

Mon expérience

En arrivant avec mon projet pédagogique au sein de l’école associative où je travaille actuellement, j’ai mis en avant le terme de liberté :

  • liberté de l’enfant,
  • liberté de choix,
  • liberté de ne rien faire,
  • liberté de se déplacer…

Je me suis tout de suite confronté à des problèmes d’organisation et de sécurité ne permettant pas de mettre en place un groupe positif, propice pour les apprentissages.8

Le mot « liberté » empêchait les enfants de se confronter à la difficulté d’apprendre une notion, et il m’empêchait, moi, de pouvoir leur proposer des remédiations sans trahir cette liberté et mes idéaux pédagogiques.

J’aurais dû à ce moment-là changer de concept et passer à une structure pédagogique basée plus sur l’expérience de SummerHill.9

Cette liberté questionnait également les parents. La communauté éducative se retrouvait dans une situation inconfortable.

Rencontrant certains problèmes rendant peu la classe peu satisfaisante, j’ai dû revoir les fondements du projet en changeant sa ligne directrice vers une plus grande autonomie avant tout.

D’abord rendre les enfants autonomes au sein de la structure classe puis école. Cette autonomie acquise, l’enfant est libre de se développer avec toutes le aides possibles : structure, pairs, adultes. Ce n’est qu’à partir de ce moment que l’on peut commencer à parler de liberté individuelle.

Les outils

J’ai mis en avant de nombreux outils pour permettre aux enfants de s’autonomiser.

Le plan de travail, ou tableau de bord, a été rendu obligatoire pour permettre aux enfants de comprendre que chaque activité, action dans la classe avait un intérêt important.

Des fiches guides illustrées (pour les non-lecteurs), outils de la pédagogie institutionnelle, ont permis à chacun de prendre une place et de ne pas attendre que celui qui sait faire fasse à sa place.

Un tableau de bord collectif, sorte d’eduscrum simplifié, et des rendez-vous quotidiens pour rappeler ce qui a été prévu, et voir où en sont tous les projets.

Pour les projets, une fiche outil de suivi de projet, rangée dans une pochette cartonnée pour accueillir les outils créés depuis le début de l’activité.

J’ai réorganisé la réunion de manière à ce que les enfants s’en emparent un maximum. Je me suis mis en retrait grâce à une nouvelle position de secrétaire, relayant les décisions, tout en gardant une place dans le groupe. Les prises de décision se font à l’unanimité et non plus à la majorité, ce qui inclut tout le monde dans les choix du groupe, comme cela tout le monde peut s’impliquer ou se sent entendu. On grandit également grâce à cette reconnaissance, très importante pour pouvoir grandir.

Du côté de l’adulte, j’ai commencé à proposer plus d’ateliers pour répondre à des questions précises qui émergent. Seuls les enfants qui souhaitent participer viennent. À chaque fois je fais une fiche bilan affichée puis archivée.

Un suivi plus précis des enfants pour les aider au plus prêt de leurs besoins. Au moins 1 fois tous les deux jours je vois tous les enfants.

Pour faire patienter au mieux les enfants, j’utilise le passeport de la classe, un outil de la pédagogie institutionnelle. Les enfants le posent devant la personne pouvant les aider et patiente qu’elle soit disponible. On oublie personne.

Il y a également l’arbre des connaissances qui est un média permettant à la fois une grande reconnaissance dans le groupe, et surtout de trouver de l’aide si on en a besoin.

La part de l’adulte

J’ai dû modifier mon attitude par rapport aux enfants. J’essaie de devenir un recours pour chacun.

J’ai au début essayé de m’effacer au maximum, en devenant juste un organisateur, mais au fil du temps je voyais un décalage entre mes convictions profondes et ce qui se passait dans le groupe : prises de décision non démocratiques car prises par les plus grands en leur faveur et non pour tous, activités récréatives quasi permanentes et peu de projets mis en œuvre, cour de récréation acquise aux jeux des plus grands avec des espaces dédiés quasi uniquement pour les plus âgés.

Heureusement la violence n’était pas de mise, car elle n’aurait pas pu être régulée par le groupe mais seulement par l’adulte.

Une discussion avec une créatrice d’école associative qui connaissait des difficultés m’a permis de mettre des mots sur ce que je ressentais.

Avant de pouvoir être libre, au sens


2

Liberté : définition du Larousse illustré 2005, p 631

4

Autonomie : définition du Larousse illustré 2005, p 126

8

Paul Le Bohec, empêcher...empêchés de penser, 12/2008

9

Summerhill school, page wikipédia